Créée le mercredi 31 janvier 2024
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Le smolnet (ou "small internet") et sa justification
Comme beaucoup, je n'aime pas le web dans la forme qu'il a pris aujourd'hui : services centralisés adoptés par le plus grand nombre, visée mercantile de la plupart des sites, course à l'audience, etc. Je l'ai dit par ailleurs : je suis convaincu que le réseau internet, en raison de son caractère fondamentalement acentré et généraliste, est un immense miroir qui peut devenir à peu près tout et n'importe quoi. Et le web, qui représente la plus grande partie de ce que l'on fait collectivement sur internet, est comme le reflet de ce que collectivement nous en avons fait.
Il est très surprenant de voir que tous les géants du web reposent essentiellement sur la décision libre des individus à utiliser leurs services. Certes les GAFAM font absolument tout ce qu'il faut pour cela, mais au bout du bout, personne n'est forcé à rien. Et il me semble que nous avons là une magnifique illustration moderne de ce que Etienne de la Boétie, ami pour ne pas dire mentor de Montaigne, décrivait déjà dans son "De la Servitude Volontaire" écrit au 16 siècle. La technique, les modalités changent, les coeurs des hommes ne changent pas tant que çà.
"Je vois que je me suis égaré je ne sais trop comment" comme dirait justement le fameux Etienne, et réfléchir autour du pourquoi de l'état du web n'est pas l'objet de ce billet. Ce que je veux ici mettre en avant, c'est plutôt une petite réflexion autour des options possibles dès lors que l'on veut créer son bout de web "minimaliste".
Il existe tout un mouvement autour de cela qui se résume dans le terme de "smolnet", un internet qui revient aux sources, qui fait des sites simples. La motivation est multiple :
- d'une part tenter de s'affranchir de la "folie" des sites dans lesquels le contenu effectif devient presque la plus petite partie d'une page, l'essentiel étant fait d'incitations de toutes sortes publicitaires, ou à visée d'augmentation de l'audience, etc. Sans parler du tracking absolument terrifiant qui a lieu sur une simple page.
- d'autre part, une optique de sobriété technique : faire des sites rapides, peu gourmands en ressources, etc.
- retrouver la mise en avant du contenu texte et la possibilité d'exprimer des idées sans limites du nombre de caractères et sous un format un peu long si cela s'avère utile. Après tout, il est à peu près inexplicable que les réseaux sociaux limitent la longueur des messages textes tout en permettant l'envoi de vidéos. Si c'était une volonté de réduire les bandes passantes ou de faire des économies d'espace disque, ce serait plutôt incohérent. Il s'agit bel et bien d'une volonté d'orienter le type de communication entre les individus, probablement à des fins d'analyse et de tracking facilité. Tout cela abouti à une réduction des capacités cognitives des uns et des autres par divers phénomènes que je décris à l'occasion par ailleurs
Pour ceux qui voudraient explorer, il existe un moteur de recherche pour sites de ce type : https://wiby.me/
capsule Gemini ?
Une tentative de répondre à cette volonté d'une reprise en main du web s'appelle Gemini : il s'agit d'un nouveau protocole qui fige dans le marbre pour ainsi dire un certain nombre de principes minimalistes. L'ami Ploum a eu l'occasion d'en parler dans un post sur Linux.fr en long et en large : https://linuxfr.org/news/offpunk-1-0-un-navigateur-deconnecte-pour-le-smolnet
Le projet Gemini décrit le protocole et les règles de rédaction. https://geminiprotocol.net/
En résumé, un site Gemini s'appelle une capsule. Le protocole étant différent de celui du web, il faut un navigateur dédié. Des "bridges" entre le gemini et le web existe, etc.
Je ne vais pas en parler plus avant et ceux qui sont intéresser pourront se reproter aux liens ci-dessus.
Par contre ce que je voudrai dire, c'est qu'en ce qui me concerne, bien que de bonne volonté et ouvert, je n'ai clairement pas accroché à Gemini pour plusieurs raisons. Je trouve que le protocole empêche des choses que l'on devrait pouvoir faire facilement comme inclure des images dans une page ou des vidéos. Les liens devraient pouvoir être inclus au fil du texte, etc. Bref, j'ai toujours eu le sentiment d'être beaucoup trop contraint avec cette solution qui a pourtant reçu un très bon accueil.
Si vous voulez vous faire une idée, voici le site de Ploum sur Gemini : https://ploum.net/index_all.html (le lien est la version miroir en HTML sinon vous ne pourriez pas y accéder...)
avec notamment une très bonne page sur le protocole : https://ploum.net/gemini-le-protocole-du-slow-web/index.html
ou bucket Garage ?
Je découvre en ce moment Garage qui est une solution proposée par l'association Deuxfleurs et qui est une implémentation libre et simplifiée du protocole AWS S3 utilisé par Amazon. Le principe de ce protocole est de fournir de l'espace disque en ligne sous forme d'un objet qui s'appelle un "bucket". L'intérêt de la procédure est de s'affranchir du système d'exploitation de la machine hôte d'une part et d'autre part, la solution Garage permet une réplication sur 3 noeuds d'un contenu donné.
Au-delà des aspects techniques de Garage décrits par ailleurs, je trouve la solution très séduisante pour pouvoir refaire facilement du site web en toute simplicité. Concrètement, on peut ainsi placer en ligne des sites dits statiques, ce qui permet malgré tout de faire pas mal de petites choses et surtout assure une totale indépendance aux diverses "machines à gaz" pour mettre en ligne quelques articles.
Et contrairement à Gemini, on peut faire des choses très simples mais qui n'entraînent pas de limitations particulières puisque l'on reste en protocole http, etc. En clair, on peut utiliser des images, du CSS, des liens dans le texte, utiliser des librairies Javascript (en local ou sur CDN selon ce qu'on préférera, en local donnant une plus grande autonomie du site).
Donc pour tous ceux qui voudraient faire leur petit espace sur le web en toute simplicité, je leur conseille de s'intéresser sérieusement à cette solution que personnellement je trouve très intéressante et simple à mettre en oeuvre / utiliser. De l'idée ou l'envie d'écrire quelque chose à sa mise en ligne, quelques minutes suffisent, nom de sous-domaine, https et site mis en ligne ! Le tout dans un contexte associatif et avec une sécurité quasi "militaire" du site puisque l'on parle d'une triple redondance par défaut en plus de la copie locale.
Pour ceux qui voudraient tester, j'ai fait quelques pages sur Garage...